Dans cet article, nous vous parlons d’un terme qui déchaîne les passions, à savoir le Web3. Pour nous accompagner, notre guide du jour s’appelle Mathieu Flaig. Il cumule plusieurs casquettes : Directeur Stratégie RH & Transformation au sein du Cabinet SQORUS, Ambassadeur DigitalEU pour la Commission Européenne, et analyste sur les sujets B2B et technologie. A retrouver notamment sur LinkedIn et sur Twitter.
Sommaire
Le Web3 est-il un simple « buzzword » à la mode ou une véritable nouvelle version d'Internet ?
Qu'apporte véritablement le Web3 et en quoi diffère-t-il du Web 2 ?
Le Web3 permet-il de donner du pouvoir aux internautes ?
Avec le Web3, les créateurs de contenu peuvent s'exprimer de la manière dont ils le souhaitent sans censure ? Cela n’est-il pas risqué ?
Le Web3 est-il une solution pour l'indépendance des créateurs de contenu par rapport aux plateformes ?
Comment le Web3 doit-il faire ses preuves ?
Un mot de conclusion ?
Le Web3 est-il un simple « buzzword » à la mode ou une véritable nouvelle version d'Internet ?
Avant de parler de Web3, il est intéressant de se pencher sur l’historique de ce que nous avons pu observer depuis une quarantaine d’années. Au-delà des prémices avec Arpanet dans les années 70, la vraie naissance d’Internet peut être datée en 1989 avec la création du World Wide Web par Tim Berners-Lee. Cela a ouvert la voie au Web 1.0, dans les années 90, avec un Internet qui se voulait principalement “informatif”. C’est l’époque des débuts du E-commerce, des bannières publicitaires, des annuaires ou des premiers moteurs de recherche.
Autour de 2005 et pendant une quinzaine d’années, nous voyons apparaître le Web 2.0, ou web social, qui accélère la notion de “conversationnel”. On voit apparaître les premiers réseaux sociaux (Facebook, Twitter, LinkedIn), la montée en puissance des smartphones, le Cloud ou l’économie des API. C’est le web de l’interaction.
Nous voici dans les années 2020, avec le concept de Web3, qui englobe de nombreuses notions comme la blockchain, les NFTs, les Métavers, l’interopérabilité… et tout comme à l’époque du Web 2.0, nous observons un mélange d’excitation, de buzz, et de résistance au changement.
Le Web3 va-t-il faire disparaître ses précédentes versions ? Non, il vient les compléter, les augmenter. C’est une nouvelle itération, avec des usages pas encore totalement matures, mais qui deviendront massifs d’ici à 10 ans (ce qui ne signifie pas que rien ne se passera d’ici là, bien au contraire).
Qu'apporte véritablement le Web3 et en quoi diffère-t-il du Web 2 ?
Les promesses du Web3 sont multiples, en voici 2 principales :
- La décentralisation basée sur la blockchain, qui permet de sécuriser et de vérifier de manière transparente et infalsifiable un ensemble d’informations en s’affranchissant des intermédiaires. Néanmoins, cette promesse semble en partie illusoire. De nombreux grands acteurs du Web 2.0 investissent déjà massivement dans les infrastructures du Web3, et l’idée d’un Internet qui appartient aux internautes ne vivra à mon sens qu’en partie
- La possession de ses données : on associe souvent le Web3 au verbe anglais Own (posséder) : vous possédez vos données. A contrario du Web 2.0 où les données sont une mine d’or pour les plateformes, vous disposez de vos données via votre wallet, un portefeuille numérique, physique (Ledger) ou dématérialisé (Metamask) qui permet de stocker par exemple vos cryptomonnaies et vos NFTs. Vous seul pouvez y avoir accès grâce à une clé privée. Ainsi, lorsque vous connectez votre wallet à une application décentralisée ou un métavers, vous restez maître de vos données, sans les confier à l’application en question.
Le Web 2.0 est le royaume de géants qui possèdent vos données, et les hébergent. Le Web3 se veut un royaume d’Internautes où l’échange de données et de valeur se fait de manière plus efficace et plus transparente.
Le Web3 permet-il de donner du pouvoir aux internautes ?
Plutôt que “le pouvoir”, je dirais qu’il donnera “plus de pouvoir”. A voir néanmoins si tous les internautes seront égaux vis-à-vis de ce dernier.
On voit déjà dans l’Internet actuel un Web à plusieurs vitesses, avec la question de ce qu’on appelle “la neutralité du net”. Ces dernières années, les paywalls (murs demandant de payer sur des sites de contenus) ont fleuri partout, les fournisseurs d’accès ne proposent pas tous la même qualité de connexion, et celle-ci varie aussi bien sûr en fonction de son abonnement.
Entre une personne qui paye surtout avec ses données, et une personne qui a les moyens d’investir dans des services en ligne, l’expérience n’est pas la même.
Demain, dans le Web3, il y aura ceux qui pourront investir dans les cryptomonnaies, dans les NFTs, qui pourront souscrire à un Wallet payant plutôt que gratuit, qui pourront investir dans des biens virtuels… et ceux qui, par manque de ressources ou de connaissance “techniques”, vivront encore un Web contrôlé par des géants du numérique.
Avec le Web3, les créateurs de contenu peuvent s'exprimer de la manière dont ils le souhaitent sans censure ? Cela n’est-il pas risqué ?
Ce qui est sûr, c’est que les créateurs de contenus vont devoir évoluer, et certaines barrières physiques risquent de tomber.
À de rares exceptions près, les créateurs de contenus sont reconnus pour leur création, et pour leur image publique. L’aspect physique joue encore beaucoup, mais qu’en sera-t-il dans un Web immersif, dans des Métavers où chacun pourra être ce qu’il veut.
On a vu émerger ces dernières années des “influenceurs virtuels” à l’image de Lil Miquela, mais cela reste des pantins animés par des entreprises. Demain, nous verrons des personnes physiques, qui se créeront des univers et des représentations virtuelles, sans avoir à se mettre à risque physiquement.
Cela a d’ailleurs déjà commencé : en février 2022, la plateforme Exclusible a vendu 25 îles privées sur le Métavers The Sandbox pour 2,8 millions $, à des stars et des influenceurs. On peut aussi citer certains influenceurs comme le Renard Bleu sur TikTok, qui approche les 3 millions d’abonnés sans jamais avoir montré autre chose que son avatar 3D.
Concernant la censure, si on suit la logique de la décentralisation et de la blockchain, elle n’existe a priori pas, a contrario du Web 2.0 où un créateur peut voir son contenu ou son compte disparaître, mis en sourdine, de manière unilatérale par YouTube, Instagram, Twitter…
Néanmoins, il existe une petite subtilité : les DAO ou Organisations Autonomes Décentralisées peuvent décider collectivement de censurer un internaute si elles estiment que cela est nécessaire
Mais cela demande un effort, un mouvement conscient, et constitue une gouvernance moins arbitraire que les censures algorithmiques du Web 2.0.
Le Web3 est-il une solution pour l'indépendance des créateurs de contenu par rapport aux plateformes ?
Cette indépendance peut notamment se retrouver en termes de rémunération, puisqu’aujourd’hui, seule une infime partie des revenus générés est reversée aux créateurs. Ne tombons pour autant pas dans une vision idéale du Web3, et faisons confiance aux géants actuels du numérique pour vendre des services, des biens virtuels… qui capteront là encore une part de la rémunération, notamment pour ceux qui n’auront pas les compétences techniques ou créatives pour les gérer eux-mêmes.
Le Web3 est-il la solution pour posséder et sécuriser son identité numérique ?
Dans le Web 2.0, l’identité numérique d’une personne est variable selon les sites où elle se rend : il faut un compte pour se connecter à Facebook et un autre, pour se connecter à Twitter, et ce, même si la personne utilise la même adresse mail pour créer ces 2 comptes.
Sur un autre niveau, le compte d’une plateforme comme Google ou Meta permet de se connecter à plus de sites : les sites de leur galaxie (Facebook, Instagram… pour Meta, ou Gmail, Drive, Meet… pour Google) mais aussi les sites tiers qui acceptent un “Facebook login” ou un “Google Login”.
Mais ces moyens de connexion ne sont pas interopérables, et surtout, ils utilisent à foison les données personnelles des utilisateurs.
Dans le Web3, on propose une entrée unique qui se fait via le Wallet (le portefeuille numérique dont nous parlions plus haut).
Initialement, ce Wallet a surtout été utilisé pour stocker des cryptomonnaies, des NFTs… mais c’est aussi grâce à lui qu’on peut aujourd’hui se connecter à des Métavers comme The Sandbox ou Decentraland, et demain nous l’espérons, à tous les univers du Web3.
Et comme nous l’avons vu plus haut, le Wallet permet une meilleure gestion de ses données personnelles : votre identité numérique vous appartient, et vous choisissez ce que vous partagez (ou non). Cela me fait d’ailleurs penser qu’il favorisera l’anonymat (s’il est souhaité), qui fut très présent aux débuts du Web, et qui s’est peu à peu dégradé de part la volonté des plateformes de vérifier les identités (à tort ou à raison).
Comment le Web3 doit-il faire ses preuves ?
Comme beaucoup de sujets émergents et qui génèrent “du buzz”, l’adoption du grand public se fera par étapes, il va falloir :
- Une ou plusieurs expériences qui vont marquer les esprits et qui vont créer des vagues d’envie de s’y aventurer
- Des investissements concrets et pérennes des entreprises dans ces nouveaux univers
- Des utilisations qui sortent de l’aspect purement vénal que l’on a pu observer sur les cryptomonnaies ou les NFTs
Certains acteurs sont d’ailleurs sur le sujet, comme le Groupe EDF pour qui j’avais animé une discussion sur Twitter Spaces sur le thème “Web3 : quels usages derrière le buzz”, à écouter en cliquant ici. Vous y découvrirez notamment Exaion, une start-up d’EDF qui crée des infrastructures pour le Web3 et qui vous expliquera comment ce dernier peut avoir un impact limité sur l’environnement, SG Forge de la Société Générale sur les actifs numériques, ou The Sandbox sur son approche du Métavers.
Un mot de conclusion ?
Je dirais que j’ai été passionné par le Web des années 90 (découvert pour ma part en 1996), pour son côté “Far West”. Puis par le Web 2.0, que j’ai connu en tant qu’utilisateur, en tant que Directeur Conseil dans une agence Social Media et en tant que créateur de contenu (sur mon blog et sur les réseaux sociaux). Et je suis tout autant excité par la montée en puissance du Web3, qui poursuit une dynamique que nous vivons déjà actuellement, à savoir la fusion toujours plus poussée du réel et du virtuel.
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